Las Vegas. Rien que le nom fait briller les yeux. On pense à Ocean’s Eleven, aux casinos opulents, aux mariages éclairs célébrés par des Elvis bedonnants, aux néons qui clignotent à toute heure du jour et de la nuit. On s’était préparés à une ville survoltée, démesurée, entre luxe, fête et délires en tout genre. Et c’est exactement ce qu’on a trouvé… mais pas tout à fait comme on l’imaginait. Déjà, il faut poser le décor : il faisait 45°C à l’arrivée. Pas un souffle de vent, des rues vides en dehors du Strip, cette fameuse avenue bordée de tous les hôtels-casinos mythiques. En dehors de ces quelques kilomètres, c’est le désert, littéralement. Un vide brûlant, crade parfois, où les rares bâtiments tiennent debout par miracle. On avait l’impression de débarquer dans une ville de cow-boys post-apocalyptique, avec des Américains qui se regardent dans le miroir en croyant être des stars. Et le pire, c’est que ce n’est même pas surjoué : les gens sont vraiment comme ça. Tout est dans l’image, dans la démesure, dans le paraître. Et nous, là-dedans, on avance en souriant, mi-fascinés, mi-interloqués. On avait réservé l’hôtel le moins cher de Vegas, et on s’était dit que ce serait fun, décalé et surtout que ça ferait du bien au porte-feuille avant le road trip au Grand Canyon. Ce qu’on n’avait pas vu, c’est que c’était un hôtel réservé aux plus de 18 ans — ce que j’ai découvert deux mois après la résa. Ambiance. Et effectivement, le ton était donné : piscine topless, spectacle de drag queens à 14h, des femmes refaites, seins en plastiques, cinquantenaires, soixantenaires et fières, qui se déhanchaient au bord de la piscine comme si elles avaient vingt ans. En même temps si elles ne le font pas à Las Vegas où est-ce qu'elles pourraient le faire ? C’était tellement déconnecté de la réalité, tellement absurde, qu’on a fini par en rire. Là encore, le mot d’ordre, c’est l’illusion. Tout le monde joue un rôle. Tout le monde veut qu’on le regarde. Et pourtant, malgré le chaud, malgré le choc, on a tout fait à pied. On a littéralement traversé Las Vegas à la force des mollets — 20 km dans la journée, oui, on est des dingues. On a commencé tout en haut de la ville, Downtown le vieux Las Vegas historique, avec Fremont Street et sa galerie lumineuse au plafond, franchement, ça vaut le détour. C’est kitsch à mourir, mais spectaculaire. Ce coin-là, on le recommande à 100 %. Mais ensuite, pour revenir vers le Strip, il faut marcher. Longtemps. Très longtemps. Et c’est le néant. Trois kilomètres entiers de vide en plein cagnard, entre deux zones mortes. Puis, d’un coup, la transition : un carrefour, un hôtel, le plus gros magasin de souvenir du monde (Bonanza Gift Store pour gâter ta famille) et des gens qui tombent dans le vide depuis le toit d’un building. Oui, littéralement. C’est le Stratosphere Hotel, et l’attraction, c’est un saut à l’élastique depuis les hauteurs. Là, tu sais que tu es entré·e dans le Las Vegas version dark & vice. Et ça t’en fout plein la gueule. Les casinos, c’est un autre monde. Pas de fenêtres, pas d’horloges, tu perds toute notion du temps. Tu entres dans un bâtiment, et tu ne sais même plus s’il fait jour ou nuit. Il y a tout à l’intérieur : restos, boutiques, spectacles, galeries d’art, hôtels. C’est un Disneyland du jeu. Et ce qui est dingue, c’est que tu peux tout visiter sans rien payer. Tu peux entrer dans tous les hôtels comme si c’était chez toi. Monter, te promener, t’asseoir, t’émerveiller. Tu peux presque faire croire que tu vis la grande vie, alors que tu dors en périphérie dans une chambre au papier peint qui se décolle. C’est le monde de l’illusion à son paroxysme. Dans les plus fous qu'on te conseille (s'il faut vraiment choisir) : Circus Circus, des spectacles gratuits toute la journée, un parc d'attraction dans une bulle géante. The Venetian avec Grand Canal sa galerie marchande, tu rêvais de Venise ? Et bien t'y voilà et grandeur nature, tu peux même louer une gondole si ton porte feuille te le permets. Le Bellagio (a-t-on vraiment besoin de le citer ?), ses fontaines, ses intérieurs qui sentent le luxe et puis George (Clooney of course). Si après ça tu as encore la force de marcher fonce à Excalibur (littéralement Mario), Paris, New York, Gizeh et là je dis bien et là si tu as encore de l'energie il te reste 1,5 km de ligne droite à regarder des caddies géant sur la route pour aller jusqu'au Welcome to Fabulous Las Vegas, l'emblème de la ville, on attends ta photo là bas après 1h de queue ! Petit tips si tu es fort en montage prends toi juste à côté et une autre photo entre deux poses de touristes et tu monteras ça tranquille chez toi ou dans le taxi pour te ramener à ton hôtel (oui tu as bien mérité de rentrer avec un chauffeur) 😉 Mais derrière cette grandeur, il y a aussi le malaise. Parce que tout est fait pour te soutirer de l’argent. Les mises minimales à 10 $, les verres à 20 $, les photos avec des filles à chaque coin de rue. On a croisé des clients drogués, des types paumés devant les machines, des filles en maillots de bain qui posaient plus pour survivre que pour le plaisir. C’est un monde où le vice paie, et où la femme devient une monnaie d’échange sociale. Petit disclaimer mais bon tout n'est pas tout rose au paradis des casinos... Aller on passe à la soirée, pour commencer on te conseille de retourner au Fremont pour la vraie expérience, le show...! Mais ce soir pas question de marcher, il y a des bus. Après en avoir pris plein les mirettes soit tu rentres à l'hôtel te reposer soit tu enchaînes comme nous, histoire de pousser le délire à fond : le strip club. Pour vivre l’expérience jusqu’au bout, sans faux-semblants. Aller on te le donne l'adresse c'est le Las Vegas Strip Club | LVSC, pourquoi celui là ? Astuce de backpackers en quête d’insolite : si tu appelles directement le club, ils t’envoient un chauffeur gratuitement et tu ne payes pas l’entrée (tu nous remercieras plus tard). Dès qu’on est arrivé, on a à peine eu le temps de poser nos fesses qu’une fille s’est assise sur les genoux d’Arthur. Ambiance immédiate. Pas de préliminaires, c’est direct, sans filtre, très Vegas. On a passé la soirée à rigoler, admirer, parce que tout est trop mais ç aparait presque normal : la lumière tamisée, les nanas qui défilent toutes les cinq minutes autour de la barre de pole dance, les clients qui choisissent leur danseuse comme on choisirait une pomme sur un étal de marché. Ça a un côté dérangeant, oui. Mais c’est aussi fascinant dans ce que ça dit de cette ville et de sa logique du tout est permis, tout est marchand. On n’est pas monté à l’étage pour les danses privées — on vous laisse imaginer ce qu’il s’y passe —, pas de billets dans les culottes non plus, mais c’était une expérience riche, à tous les niveaux. On n’a aucun regret, on a joué le jeu, on est ressortis de là étonnés, un peu choqués, mais contents de l’avoir vécu. Et comme on n’aime pas faire les choses à moitié, on est allés en boîte de nuit, et pas n’importe laquelle : l’Omnia Club, THE club de Vegas. D'ailleurs encore un tips économique, tout se fait sur liste alors trouve le site ou passe à côté de la boite dans la journée tu y verras surement des promoteurs qui t'inscriront (tu te sens VIP et tu peux même te la jouer "moi c'est Bond. James Bond"). J’étais habillée en mode soirée de gala, pantalon à paillettes et talons, prête à briller. Et là… surprise. Les nanas étaient en claquettes. Oui, vraiment. Des robes moulantes et vulgos avec des tongs. Le chic à l’américaine, c’est la liberté de ne rien respecter. On a payé 80 € pour deux, dont 0 € pour moi (merci d’être née femme ?). Et là encore, tout est pensé pour le profit, pour la parité. Si t’as des filles avec toi, t’as une chance de rentrer gratuitement. Sinon, tu sors la carte bleue. . Mais à l’intérieur, c’est fou. Une ambiance incroyable, un show visuel, et puis Alesso en DJ (rien que ça). On n’a rien consommé, mais on a dansé, vibré, observé. Et c’est là qu’on s’est dit que c’était une expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Parce que c’est absurde, grotesque, spectaculaire, et fascinant tout à la fois. Las Vegas, c’est le temple de l’excès, de la démesure, du faux-semblant. Une ville bâtie sur du sable brûlant, où tout brille, mais où tout est creux. C’est impressionnant, c’est majestueux même, et on est contents de l’avoir fait. Mais c’est une ville qu’on digère lentement, et qui ne s’apprécie qu’à petites doses. À nos yeux, Vegas, ça se vit sur un jour, deux maximum. Dans ce monde-là, c'est clairement le vice qui fait vivre la ville.